Ce récit personnel ne se limite pas à un témoignage : il s'apparente à une tentative de catharsis politique face à une débâcle qui a profondément ébranlé le Parti démocrate.
Car cette campagne, née dans l'urgence, s'est construite sur les décombres d'un aveuglement. Joe Biden, président sortant, s'est obstiné à vouloir briguer un second mandat malgré une santé chancelante, des alertes multiples sur sa lucidité déclinante et une lassitude croissante jusque dans ses propres rangs. C'est seulement en juillet, à moins de quatre mois du scrutin, qu'il s'est finalement résolu à jeter l'éponge.
Cet entêtement que d'aucuns qualifient aujourd'hui d'irresponsable a privé Kamala Harris du temps et de l'élan nécessaires pour fédérer, structurer, incarner une alternative crédible face à la machine électorale bien huilée de Donald Trump.
Propulsée malgré elle dans l'arène, sans filet ni espace pour installer une vision ni rallier les forces vives du progressisme américain, Kamala Harris s'est retrouvée à courir derrière le temps, à enchaîner les États comme on égrène des regrets. Cent-sept jours de course contre la montre, d'efforts surhumains pour rattraper un retard originel qui s'est vite révélé insurmontable. Le terrain, déjà miné par des divisions internes, des désillusions sociales, et une défiance croissante de l'électorat populaire, n'a pas permis à la candidate d'incarner le renouveau espéré.
Le Parti démocrate, désarticulé, miné par l'improvisation stratégique et les rivalités larvées, a payé au prix fort cette transition précipitée. Non seulement la présidence a échappé à Harris, battue sèchement par un Donald Trump revigoré par la fragmentation de ses adversaires, mais le parti a également subi des pertes considérables au Congrès et dans plusieurs États-clés. Une hémorragie politique dont il ne s'est pas encore remis.
Dans sa vidéo de présentation, Kamala Harris confie qu'une vérité s'est imposée à elle durant cette éprouvante traversée : 'parfois, le combat prend un certain temps'. Une phrase lourde de sous-entendus, qui pourrait signaler une volonté de revanche en 2028. Car si elle a refusé de se présenter au poste de gouverneur de Californie en 2026, son retrait apparent pourrait n'être qu'une parenthèse stratégique.
Ce livre, plus qu'un simple témoignage, s'annonce donc comme une pièce à conviction dans le procès posthume d'une campagne sabordée par l'aveuglement d'un parti et les limites d'un système. Il demeure à voir si Kamala Harris saura convertir cette épreuve en tremplin, ou si 107 Days restera comme l'élégie d'un pouvoir manqué.
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/107-jours-chronique-d-un-rendez-vous-manque-avec-l-Histoire.html
