Crépuscule d'une intervention sans honneur #rwanda #RwOT

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Les camions-remorques immatriculés en Tanzanie, transportant les équipements de la SADC, serpentaient lentement vers la frontière rwandaise, créant un embouteillage kafkaïen dans la moiteur d'un après-midi de désenchantement. Des officiers supérieurs en tenue réglementaire, visiblement désorientés, tentaient de préserver une contenance face à leurs homologues rwandais, pendant que la police, en grand renfort, interdisait aux passants toute captation d'image, comme pour mieux enfouir la preuve de ce retrait sous le tapis de l'oubli.

Mais rien n'efface une débâcle lorsqu'elle est scandée par le peuple. Et ce sont les voix pleines de colère et de dérision des Congolaises et Congolais, ces citoyens de Goma qui ont vu, impuissants, la trahison se parer des oripeaux qui ont accompagné la SADC dans son retrait.

" Ils nous ont abandonnés, ils nous ont trahis, et les voilà qui encombrent encore nos routes ", pestait une passagère du bus à destination de Kampala, immobilisé dans le flot des véhicules militaires.

Ainsi s'achève, dans un fracas silencieux, l'odyssée sinistrée d'une mission dont la légitimité vacillait dès l'instant de sa gestation. Loin d'être le fruit d'une réflexion stratégique mûrie dans les cénacles de la raison diplomatique, l'engagement de la SADC s'illustra, dès ses prémices, par une précipitation doctrinale confinant à l'amateurisme.

On y chercha moins à instaurer un équilibre durable qu'à ménager des intérêts divergents sous le vernis trompeur de la coopération régionale. De cette architecture confuse, il ne pouvait éclore qu'un édifice fragile, miné par les dissensions internes et les arrière-pensées inavouables. A chaque manœuvre militaire, à chaque déclaration publique, transparaissait une dissonance profonde entre le discours des chancelleries et les réalités du terrain.

Ce décalage fut accru par une duplicité diplomatique qui ne disait pas son nom, et dont les effets furent d'autant plus pernicieux qu'elle s'abritait derrière les oriflammes de la paix.

La SADC s'est avérée, dans les faits, vectrice d'une partialité choquante, allant jusqu'à cautionner des alliances contre-nature avec des factions notoirement criminelles, telles que les FDLR et les mercenaires. Ce choix, aux antipodes des exigences du droit international humanitaire et des principes fondamentaux d'éthique politique, constitue une entorse grave aux engagements internationaux librement souscrits. En optant pour l'opacité, la connivence et la répression indirecte, la mission s'est elle-même délestée de toute autorité morale. Son départ, loin de clore un chapitre, ouvre celui des comptes à rendre à l'histoire, au droit, et aux peuples bafoués.

Car ce n'est pas une simple évacuation logistique qui a eu lieu, mais bel et bien la sortie infâmante d'un corps expéditionnaire qui, loin d'apaiser, a aggravé la crise. Au lieu de jouer le rôle d'une force tampon impartiale, la SADC s'est fourvoyée dans une collusion funeste avec des milices ethnonationalistes telles que les FDLR, les Wazalendo, et des mercenaires recrutés à la hâte, bafouant ainsi les principes élémentaires d'impartialité, de légalité et d'éthique politique.

Elle aura, dans les faits, cautionné la perpétuation d'une guerre sale, menée contre les droits fondamentaux des populations civiles et les aspirations légitimes à la paix.

Ce retrait sous les huées est donc un naufrage diplomatique autant qu'un effondrement militaire. Il révèle l'incurie des commandements, l'inanité des alliances de circonstance et le cynisme d'une diplomatie régionale aveugle aux souffrances qu'elle prétendait soulager. La mine grave des officiers de la SADC, hier à la frontière, disait sans doute mieux que tout communiqué : ce départ n'était pas planifié, il était subi. C'était la fuite d'un corps sans mission, déserté par le sens, et moqué par ceux qu'il prétendait défendre.

À l'heure où les forces de l'AFC/M23 imposent leur détermination sur le terrain, face à un pouvoir de Kinshasa embourbé dans des alliances douteuses, l'échec de la SADC sonne comme un avertissement : les peuples ne se laissent plus berner par les narratifs fabriqués dans les chancelleries.

L'Afrique centrale exige désormais des interventions responsables, ancrées dans le respect des normes internationales et le discernement stratégique. Toute force qui entre sur ce théâtre complexe sans boussole éthique ni compréhension géopolitique profonde est condamnée à sortir sous les huées, sans gloire ni honneur.

Le retrait de la SADC ne signe pas la fin de la guerre, mais il marque, à coup sûr, la faillite d'un modèle d'intervention paternaliste, opaque et inefficace.

Les peuples du Kivu n'oublieront pas. Et demain, lorsqu'il faudra redessiner les contours d'une paix durable, il faudra s'en souvenir : la paix n'est pas une opération de communication, elle est une œuvre de vérité et de justice.

Des camions-remorques tanzaniens transportant du matériel de la SADC avançaient lentement vers la frontière rwandaise, provoquant un embouteillage sous la chaleur de l'après-midi

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Crepuscule-d-une-intervention-sans-honneur.html

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