Christian Bosembe abdique l'honneur au profit de la flatterie #rwanda #RwOT

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Elle dissimule sa trahison sous les oripeaux du protocole, travestit la complaisance en loyauté, et sacrifie la lucidité sur l'autel d'un carriérisme maquillé en fidélité institutionnelle. Ce n'est plus alors l'homme libre qui s'exprime, mais le courtisan qui s'agenouille ; non plus le citoyen habité par l'éthique du verbe, mais le laudateur obséquieux, pour qui flatter le Prince vaut mieux que servir la République.

Ainsi, sous couvert d'éloquence, ce n'est plus la vérité qui rayonne, mais le renoncement qui s'exhibe avec superbe, comme si l'on pouvait maquiller la servitude en vertu civique sans offenser à jamais l'intelligence et la mémoire des justes.

Il est des métamorphoses qui suscitent la stupeur, non parce qu'elles étonnent, mais parce qu'elles déçoivent au plus intime de la conscience morale.

Jadis perçu comme une figure lucide et intransigeante du paysage médiatique congolais, Christian Bosembe, actuel président du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication (CSAC), s'est récemment distingué par une déclaration d'une légèreté consternante, prononcée sans ciller devant le chef de l'État. " Sous votre mandat, aucun journaliste n'a été tué, aucun n'a été arrêté ni torturé pour ses opinions, aucune rédaction n'a été fermée ni saccagée ", a-t-il solennellement affirmé, livrant ainsi à l'opinion un éloge qui confine à la pure mystification.

Ce propos, aussitôt contredit par une réalité têtue et cruellement documentée, jette une lumière crue sur l'abîme moral dans lequel certains intellectuels et responsables publics semblent consentir à se noyer. Car enfin, faut-il rappeler que sous le régime actuel, journalistes, militants et opposants n'ont cessé d'être inquiétés, brutalisés, réduits au silence ou condamnés à l'exil intérieur ?

Les voix libres de la presse sont traquées, la société civile bâillonnée, et les coups d'éclat répressifs se sont multipliés dans l'ombre d'une façade démocratique savamment entretenue. Que dire, par exemple, du dernier baromètre publié par Reporters sans frontières, que la journaliste Paulette Kimuntu ne cesse d'opposer, tel un miroir implacable, aux propos de Bosembe ?

Ce rapport, froid et accablant, met en lumière la dégradation persistante de la liberté de la presse en RDC, reléguant au rang de fable toute tentative d'auto-glorification institutionnelle.

Comment expliquer alors cette volte-face d'un homme qui, il n'y a pas si longtemps, prétendait instruire la jeunesse aux vertus de l'éthique, à l'indépendance d'esprit, à la droiture civique ? Comment comprendre que celui qui se faisait jadis chantre de la vérité se mue désormais en thuriféraire zélé, prêt à piétiner l'évidence pour quelques instants de faveur auprès du trône présidentiel ? Le flatteur, disait La Bruyère, " n'a point d'amis ", car il trahit tous les liens, y compris celui qui le rattache à la mémoire de ses propres convictions.

Ce reniement spectaculaire est d'autant plus affligeant qu'il ne s'inscrit pas dans une stratégie idéologique, mais bien dans une servilité tactique, un abaissement de soi devant la puissance, devenu trop commun dans les allées du pouvoir congolais. En se faisant le chantre d'un régime dont les exactions à l'endroit des journalistes et des opposants sont non seulement réelles mais répétées, Christian Bosembe ne se contente pas de nier les faits : il leur inflige une seconde violence, celle du déni public, celle de l'effacement symbolique des victimes, dont les noms, les blessures et les deuils sont rayés au profit d'un récit réécrit à la gloire du Prince.

Il n'est pas interdit de changer d'opinion. Il n'est pas même interdit de se tromper. Mais il est des mensonges qui ne relèvent pas de l'erreur intellectuelle : ils relèvent de la compromission morale. Et quand ils émanent d'un homme chargé d'arbitrer le destin éthique de la parole publique, ils prennent une dimension tragique.

A l'heure où la RDC a besoin de lucidité, de courage, et d'authenticité pour affronter ses démons, le silence complice ou la parole intéressée deviennent des crimes contre la vérité.

Il est grand temps de rappeler que l'honneur ne se négocie pas, que la liberté de la presse ne se confisque pas à coups d'hommages vides, et que la mémoire des victimes ne se dissout pas dans les vapeurs de la flatterie.

Le peuple congolais n'a que faire des panégyristes. Il réclame des vigiles de la conscience, des témoins droits, et des voix qui refusent de courber l'échine devant les puissances du jour.

Christian Bosembe, président du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication de la RDC

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Christian-Bosembe-abdique-l-honneur-au-profit-de-la-flatterie.html

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