
Son arrestation a été un choc pour beaucoup, qui commençaient à perdre espoir qu'il soit un jour retrouvé. Comme le disent souvent un dicton rwandais : " Un voleur n'a que 40 jours ", et son temps était enfin venu.
L'ex-ministre rwandais de la Justice, Johnson Busingye, a souligné que l'arrestation de Kabuga représentait à la fois un immense soulagement et une étape cruciale. " Après 26 ans de fuite, cela démontre que l'on peut fuir, mais on ne peut jamais se cacher indéfiniment. Beaucoup avaient commencé à croire qu'il ne serait jamais capturé ", a-t-il déclaré.
Malgré l'euphorie initiale, le procès de Kabuga est rapidement devenu une affaire judiciaire exceptionnelle. Il a été le seul rwandais jugé par le Mécanisme résiduel international de justice pénale (IRMCT) à La Haye, les autres accusés ayant été jugés auparavant à Arusha, avant la fermeture de ce tribunal.
Au cours des trois années qui ont précédé la suspension de son procès en 2023, les procédures ont été marquées par des événements sans précédent. Le procès de Kabuga n'a pas suivi la procédure classique, ni été une simple formalité ; il a été caractérisé par des complexités juridiques et procédurales exceptionnelles.
Un procès inhabituel
Les comparutions de Kabuga en salle d'audience étaient limitées à seulement 90 minutes par session, contrairement à d'autres accusés qui pouvaient participer à des audiences toute la journée. Son procès était planifié trois fois par semaine, en contraste avec les procès quotidiens auxquels d'autres étaient confrontés. En raison de problèmes de santé signalés, Kabuga assistait fréquemment à ses audiences par vidéoconférence.
Cinq experts médicaux ont été chargés de l'évaluer et ont conclu qu'il n'était pas en état de subir un procès. En septembre 2023, sur la base de leur rapport, la cour a décidé de suspendre formellement les procédures à son encontre.
Kabuga est ainsi devenu le premier accusé à être exempté de ses obligations judiciaires en raison de son inaptitude physique. Cette décision a suscité une profonde déception parmi de nombreux Rwandais, en particulier les survivants du génocide contre les Tutsi, qui nourrissaient l'espoir de voir justice rendue et les responsables rendre des comptes.

Une dette d'un milliard de FRW envers l'ONU
Un autre aspect surprenant de l'affaire Kabuga est qu'il est devenu le premier rwandais jugé par l'ONU à devoir de l'argent à l'organisation. Initialement, Kabuga avait prétendu ne pas avoir les moyens de se payer un avocat et avait été assigné à l'avocat français Emmanuel Altit.
Cependant, la cour a ouvert une enquête sur ses finances et a découvert qu'il disposait de ressources suffisantes pour couvrir le coût de sa défense.
Son fils aîné, Donatien Nshimyumuremyi, a révélé cela de manière inattendue dans une déclaration de presse le 22 septembre 2022, en affirmant que son père possédait une grande richesse et était en mesure de choisir n'importe quel avocat. En conséquence, la cour a exigé des informations détaillées sur les actifs de Kabuga.
Le 18 octobre 2022, son fils a fourni les informations demandées. Un an plus tard, en octobre 2023, la cour a conclu que Kabuga avait effectivement les moyens de rembourser la somme de 1 184 500 dollars (soit environ 1,7 milliard de FRW) pour les frais juridiques et les coûts de préparation du procès.
Des actifs ont été identifiés dans plusieurs pays, notamment en France, au Royaume-Uni, en Belgique, au Kenya et au Rwanda, incluant des comptes bancaires, des propriétés et d'autres biens de valeur. Bien que les chiffres exacts demeurent confidentiels, la cour a confirmé que Kabuga disposait des ressources nécessaires pour rembourser intégralement cette somme.
Gel des actifs et défis de la coopération internationale
La cour a ordonné le gel de ses actifs connus dans ces quatre pays. Toutefois, la récupération des fonds s'est avérée compliquée en raison des procédures juridiques spécifiques à chaque pays, certains gouvernements ayant fait preuve de lenteur dans leur coopération.
De plus, Bien que la cour ait déclaré qu'il n'était pas apte à être jugé, Kabuga reste néanmoins détenu à La Haye. Deux pays ont refusé de l'accueillir sur leur sol, invoquant son rôle de principal architecte du génocide contre les Tutsi.
Bien que la cour n'ait pas encore écarté la possibilité de son extradition vers le Rwanda, les experts médicaux estiment que son état de santé rendrait un tel transfert risqué.
À ce jour, Kabuga se trouve dans une impasse juridique, ni jugé en raison de son état de santé, ni libéré, aucun pays n'étant disposé à l'accueillir. Sa situation évoque visiblement la malédiction biblique de Caïn : " Tu es désormais sous une malédiction, chassé de la terre⦠tu seras un vagabond sans repos sur la terre. "

IGIHE
Source : https://fr.igihe.com/Les-rebondissements-du-proces-de-Felicien-Kabuga.html