Clameurs de la faim et triomphes de l'illusion #rwanda #RwOT

webrwanda
0

Depuis cinq mois, les fonctionnaires du gouvernorat, ces artisans silencieux de la machine administrative, peinent à survivre dans l'ombre crasse d'un pouvoir oublieux de ses devoirs et sourd aux gémissements de la misère.

Pendant ce temps, un million de dollars, magiquement extirpé des poches vides de l'État, se trouve soudainement mobilisé non pour répondre aux urgences sociales ni pour relancer l'économie locale moribonde, mais pour préparer la venue en grande pompe du président de la République.

Voilà donc le tragique paradoxe d'un pouvoir qui, incapable de nourrir les siens, trouve néanmoins les ressources nécessaires pour s'offrir les fastes illusoires d'un bain de foule artificiel. A la faveur de cette visite présidentielle, les autorités locales convoquent les indigents à grands renforts de promesses fallacieuses et de miettes distribuées à la va-vite. Des milliers d'âmes faméliques sont rassemblées sur les places publiques, forcées de simuler la liesse et de jouer, pour les caméras complaisantes, la comédie d'un peuple heureux et reconnaissant.

L'histoire retiendra qu'Eddy Kapend, figure trouble et héritier d'une époque où la violence politique s'arrogeait le dernier mot, réclama cent mille dollars pour garantir la sécurité de cet événement d'apparat. Mais même ce service fut escamoté, preuve supplémentaire que dans cette République d'apparences, les engagements sont aussi creux que les caisses publiques et que l'intérêt général s'évanouit dans le tourbillon des calculs personnels.

Ce spectacle dérisoire et sinistrement orchestré rappelle à s'y méprendre les procédés des anciennes républiques bananières, où l'on achetait la popularité à crédit de misère et où l'on confondait volontiers la ferveur populaire avec la clameur de la faim.

La politique, réduite à un théâtre d'ombres, y devient une industrie de l'illusion où l'on troque, pour quelques heures d'allégresse forcée, la dignité des masses contre les mirages d'un pouvoir en perpétuelle quête de légitimité.

À l'issue de ces rassemblements, lorsque les caméras se seront détournées et que les cortèges officiels auront disparu dans les volutes de poussière rouge, ces foules trahies seront abandonnées, comme des oripeaux politiques inutiles, à leur condition originelle : celle d'un peuple martyrisé, contraint de quémander un jour de répit et de survivre sous le joug d'une gouvernance prédatrice et vorace.

Dans ce tableau accablant, le Congo profond offre au monde le reflet déformé de ses propres dérives : un pouvoir sans vergogne, une administration famélique, un peuple instrumentalisé et une dignité nationale piétinée au nom de l'image et du simulacre. Tant que cette mascarade persistera, la République Démocratique du Congo demeurera cette république bananière où la faim, la peur et le mensonge s'entrelacent pour composer la trame d'une tragédie nationale.

Il ne s'agit plus ici de dénoncer pour dénoncer, mais d'appeler à un sursaut. Car à ce rythme, c'est l'histoire elle-même qui finira par tourner le dos à ce peuple qu'on trahit à chaque meeting, qu'on humilie à chaque promesse non tenue et qu'on assassine à petit feu dans l'indifférence générale.

Felix Tshisekedi, président de la RDC

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Clameurs-de-la-faim-et-triomphes-de-l-illusion.html

Enregistrer un commentaire

0Commentaires

Enregistrer un commentaire (0)