Cette décision, assise sur la prétendue nécessité de garantir la continuité des services de l'État, se heurte toutefois à une contradiction manifeste : en frappant d'inactivité contrainte des fonctionnaires qui n'ont reçu ni accompagnement logistique, ni garantie de logement, ni compensation financière pour couvrir les affres de cette relocalisation improvisée, l'exécutif provincial semble confondre gouvernance et injonction absurde. Il est demandé aux agents de se plier à une injonction dénuée de tout dispositif d'accompagnement, comme si la simple proclamation d'un ordre suffisait à surmonter les réalités matérielles de l'existence.
Par une pirouette rhétorique, l'exécutif se réfugie derrière l'argument commode de la " force majeure " pour justifier une mesure dont les conséquences s'apparentent à une sanction collective. Or, l'invocation de cette notion juridique ne saurait masquer l'amateurisme et l'improvisation dont témoigne cette décision. Il est loisible de s'interroger sur l'absurdité d'une administration qui, d'un côté, suspend les obligations réciproques entre employeurs et agents, et de l'autre, prétend préserver un semblant de protection sociale en maintenant la prise en charge médicale de ceux qui n'ont pas rallié les rangs AFC/M23. Cette dichotomie illustre l'indécision d'un appareil d'État qui avance à l'aveuglette, sans boussole ni vision d'ensemble.
Le gouverneur militaire, le général-major Somo Kakule Evariste, assure que cette mesure n'a qu'un caractère transitoire et que les agents retrouveront leurs fonctions une fois la situation stabilisée. Mais en l'absence d'un échéancier précis, en l'absence même d'un cadre organisationnel cohérent, cette annonce ne fait qu'ajouter à l'opacité ambiante. Les agents concernés, sommés de s'exécuter sous peine d'être mis en congé technique, se trouvent ainsi pris au piège d'une injonction paradoxale : rester dans l'incertitude de leurs droits et de leur avenir professionnel ou plier bagage dans une précipitation dépourvue de toute rationalité logistique.
Dans une région marquée par l'instabilité chronique et l'absence d'une véritable planification administrative, cette décision reflète une tendance plus vaste de gouvernance erratique, où l'on confond autorité et arbitraire, nécessité et précipitation, fermeté et aveuglement.
En somme, cet oukase administratif témoigne non seulement d'un mépris latent pour les réalités humaines, mais aussi d'une incapacité structurelle à concevoir l'État autrement que comme une entité autocratique, dispensant ses décisions comme des oracles, sans en mesurer les effets sur les destinataires contraints d'en subir l'absurde application.
Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Une-relocalisation-absurde-dans-le-Nord-Kivu.html
