Le Burundi, ce fantôme ambulant #rwanda #RwOT

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En vérité, le Burundi semble livré à une occupation endogène, conduite non par des forces étrangères mais par une élite prédatrice et déliée de toute culture d'État, qui confond la gestion de la chose publique avec l'appropriation privée des ressources et des leviers de commandement.

L'incompétence, longtemps circonstancielle et ponctuelle, s'y est muée en doctrine tacite, en système de reproduction du pouvoir où la médiocrité se perpétue par cooptation, et où l'absence de projet commun se dissimule sous le vernis des discours convenus.

Ce mode d'administration par défaut, fondé sur la peur, le clientélisme et la confiscation des espaces de délibération, consacre l'échec de l'État comme garant du bien commun et inaugure un régime où le pouvoir n'administre plus qu'au profit d'une minorité repliée sur ses privilèges et aveuglée par son cynisme.

Dès lors, il ne s'agit plus d'un gouvernement au sens noble du terme, mais d'une occupation dissimulée sous les oripeaux de la souveraineté.

En apparence, le décor institutionnel est intact : un président omniprésent dans les cérémoniaux creux et les hommages convenus, un drapeau qui flotte au vent de l'illusion patriotique, un hymne national entonné dans les stades clairsemés et les parades officielles, des institutions aux façades solennelles, et une Constitution dont la solennité imprimée contraste cruellement avec son inanité dans les faits.

Tout y est, ou presque, sauf l'essentiel. Pourtant, derrière cette scénographie républicaine maintenue à grand renfort de propagande et de mises en scène s'esquisse une réalité autrement plus sombre : celle d'un État désincarné, vidé de sa substance souveraine, réduit à l'état de coquille bureaucratique où l'autorité n'est plus qu'un simulacre et où l'intérêt général n'a plus droit de cité.

Car ce que l'on observe aujourd'hui au Burundi ne ressemble en rien à ce que l'on serait en droit d'attendre d'un État fonctionnel. Il s'agit plutôt d'une entité politique spectrale, un fantôme ambulant qui erre dans le concert des nations, porteur d'une souveraineté factice et privé de toute capacité régulatrice.

Moins qu'un État-nation, le Burundi semble s'être mué en un territoire occupé de l'intérieur, phagocyté par des élites cyniques et prédatrices, dont l'unique projet collectif se résume à la préservation de leurs intérêts particuliers et à la captation sans vergogne des ressources publiques.

En observant attentivement ce petit pays enclavé, le constat s'impose avec une douloureuse évidence : la déliquescence institutionnelle n'est plus l'exception, elle est devenue le mode ordinaire de gouvernement.

Loin des discours emphatiques servis à la tribune des forums continentaux et des cénacles onusiens, on découvre une population lasse, écrasée sous le poids d'un quotidien accablant et dépossédée de toute perspective d'avenir. La jeunesse, jadis ferment des aspirations nationales, a sombré dans une résignation muette, oscillant entre exil rêvé et soumission obligée.

Quant à l'administration, elle n'est plus qu'un agrégat disloqué de clientèles rivales, soumises aux caprices d'un pouvoir clanique où l'allégeance supplante la compétence, et où l'improvisation fait office de doctrine de gouvernance.

Il n'est guère exagéré d'affirmer que l'amateurisme, jadis accidentelle ou circonstancielle, s'est métamorphosée en système. Pire : elle est désormais revendiquée comme mode opératoire, sanctuarisée par une culture politique de la médiocrité où toute expertise est suspecte et où toute velléité réformatrice est immédiatement perçue comme un acte séditieux.

Le Burundi vit ainsi sous le joug d'une oligarchie armée, détentrice exclusive du monopole de la violence et des prébendes, qui administre le pays non selon un projet de société mais au gré de ses intérêts immédiats et de ses stratégies de survie.

Ce délitement structurel trouve son expression la plus éloquente dans la vacuité des politiques publiques. Loin d'être conçues en fonction des besoins réels de la population ou des exigences du développement, les décisions se prennent dans l'entre-soi de cénacles opaques, où prédominent l'arbitraire, l'opacité et le népotisme.

Les secteurs vitaux éducation, santé, infrastructures sont laissés à l'abandon, tandis que la répression policière et la surveillance généralisée se renforcent pour étouffer toute contestation embryonnaire.

Dans ce contexte de désinstitutionnalisation avancée, où la forme étatique subsiste mais où la fonction a disparu, une interrogation lancinante s'impose : le Burundi est-il encore gouverné ?
Non pas par une puissance étrangère, mais par ses propres élites, dans un phénomène d'occupation endogène, où la dépossession du peuple se double d'un accaparement systématique des leviers de pouvoir et des ressources nationales.

Ainsi va ce pays-fantôme, survivant à lui-même, perpétuant les rituels d'une souveraineté en trompe-l'œil, dans l'indifférence feutrée des chancelleries et sous le regard résigné d'un peuple prisonnier d'un État devenu étranger à sa propre vocation.

A moins d'un sursaut historique, porté par une génération capable de réinventer un projet national fédérateur, le Burundi risque de demeurer cet inquiétant oxymore : une nation sans État, un territoire sans gouvernance, un nom sans substance.

Evariste Ndayishimiye, président du Burundi

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Le-Burundi-ce-fantome-ambulant.html

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