
Partout, les drapeaux s'inclinent, les silences s'élèvent. Sur tous les continents, des stèles de mémoire surgies de la douleur deviennent les autels d'un recueillement universel. Ce n'est pas seulement une date. C'est un serment. Le serment que le 'plus jamais ça' ne demeure pas une formule rhétorique, mais un engagement renouvelé face à la barbarie, au négationnisme, et à la tentation de l'oubli.
Et pourtant, les ombres persistent.
Car pendant que l'on pleure les morts, certains s'emploient à profaner leur souvenir. A substituer à la vérité des faits, une fiction viciée, révisionniste, souvent mue par des intérêts politiques ou idéologiques. C'est pourquoi la condamnation récente, en France, de Charles Onana et de son éditeur pour négationnisme marque un tournant historique et salutaire.
Ce jugement, au-delà de sa portée judiciaire, constitue un acte de civilisation. Il vient rappeler que la mémoire des victimes ne saurait être mise en procès, que le génocide contre les tutsi n'est pas un objet de débat, mais une réalité judiciaire, historique et humaine dont la négation constitue une violence secondaire perverse, lâche, meurtrière dans son essence.
La récente décision judiciaire prononcée en France à l'encontre de Charles Onana et de son éditeur constitue bien plus qu'un simple verdict : elle fait jurisprudence. En érigeant une digue claire et ferme contre la dérive négationniste, cette sentence vient rappeler que la réécriture insidieuse de l'Histoire n'est pas une opinion tolérable, mais une agression mémorielle.
Elle oppose, au relativisme venimeux des falsificateurs, la rigueur souveraine des faits établis, scellés dans le marbre du droit international et dans la conscience universelle.
Par cet acte, la justice française sanctuarise la vérité historique et adresse un avertissement solennel aux artisans de l'imposture : la liberté d'expression, socle fondamental de toute démocratie, ne saurait servir de paravent à la perversion de la mémoire collective.
Elle cesse d'être un droit dès lors qu'elle devient un outil de négation, d'inversion du réel, de profanation des souffrances vécues. La mémoire des victimes ne se discute pas, elle se respecte ; elle ne s'efface pas, elle s'honore avec gravité, avec fidélité, avec une vigilance de tous les instants.
Mais cette victoire ne doit pas nous endormir. Car les charognards rôdent encore, dissimulant leur entreprise de dénaturation mémorielle sous des oripeaux d'érudition factice ou de bravoure déplacée.
Ils ne se présentent plus comme les détracteurs bruyants d'hier, mais avancent masqués, insinuant avec subtilité leur discours vicié dans les interstices du débat public. Leurs efforts ne visent pas frontalement la vérité, ils cherchent plutôt à réhabiliter les bourreaux en travestissant les archives, à réécrire l'horreur à l'encre trouble de l'ambiguïté, à faire vaciller les certitudes sous prétexte de complexité.
Leur méthode est d'une perfidie glaçante : ils instillent le doute là où la clarté devrait être inaltérable, brouillent les repères fondamentaux en relativisant l'irreprésentable, et habillent la barbarie d'un vernis rhétorique fallacieux. A cette entreprise de banalisation, à cette offensive contre la mémoire, il ne saurait être opposé que la rigueur inflexible de la vigilance morale et intellectuelle.
Car céder un pouce à l'oubli, c'est trahir les morts ; tolérer l'ambiguïté, c'est renoncer à la justice. La mémoire du génocide contre les tutsi n'a pas vocation à être discutée : elle est un socle éthique, une borne indépassable du discernement humain.
Le 7 avril n'est donc pas une commémoration figée dans le passé : c'est une injonction adressée au présent. A l'éthique en politique, au courage dans la justice, à la rigueur dans la mémoire. C'est un moment de lucidité collective où l'humanité regarde en face sa propre capacité d'autodestruction, mais aussi sa responsabilité de réparation et de transmission.
Ne pas laisser le négationnisme s'installer, c'est honorer les morts et préserver les vivants. C'est affirmer que le silence des charniers ne sera jamais plus fort que la parole des justes. Et c'est, en définitive, se rappeler que l'histoire n'est pas une matière morte, mais un combat permanent contre l'oubli, le mensonge, et l'indifférence.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/Le-7-avril-pour-la-memoire-des-morts-et-la-conscience-des-vivants.html